Chrystyna Styranka Salam, Ukrainienne mariée à un Libanais, transforme sa maison au cœur de Beyrouth en une galerie d’art où elle «accompagne» ses visiteurs dans leur découverte et leur choix de pièces uniques, surtout en céramique. Un parcours personnel et artistique pour garder en elle sa zemla, la terre natale.
Elle a bien des choses à raconter sur un passé riche en émotions et en partances. Son naturel donne le ton à la rencontre, empreinte de poésie et de nostalgie. La maîtresse des lieux porte en elle, comme une seconde peau, un mélange de cultures auxquelles elle est restée fidèle. Chrystyna Salam, enchantée de figurer dans la rubrique Vivre autrement de Déco Magazine, présente son époux Oussama avec un «C’est lui mon vivre autrement», enchaînant sur la rencontre, en 1983 dans sa galerie d’art parisienne, avec cet homme «devenu (sa) terre, (sa) patrie». Elle déroule ensuite un fil d’Ariane surprenant que l’on écoute comme un conte venu d’ailleurs: ses parents ont quitté l’ouest de l’Ukraine et se sont transformés en réfugiés politiques. C’était l’exil (forcé et amer) ou la mort. Sa mère est alors enceinte d’elle et Chrystyna naît «sur la route» à Stryj. Elle vit dans un nid d’amour centré autour de la voix de sa grand-mère et de cette langue où elle puise sa force et son identité. La famille passe quatre longues années dans un camp de «personnes déplacées», comme elle dit avec pudeur. Les Ukrainiens, avec leur faculté à ressusciter leur univers et «musiciens dans l’âme», y créent une école, un chœur et une compagnie de danse.
La Tunisie sera la destination suivante, proposée à 300 familles. Chrystyna se souvient de Ben Metir, des 353 marches pour accéder à l’école et surtout de son premier contact avec la langue française. Après un rapide passage en France, 1957 sera l’année Canada dans une vraie maison à Toronto: «notre première petite terre», confie-t-elle. La jeune universitaire en Modern Language & Litterature rêve pourtant de la France où elle désire créer quelque chose. «Cette destination faisait partie de moi». Elle déploie ses ailes entre l’École de tourisme et celle du Louvre où elle travaille auprès de André Schoeller, s’imprègne d’art et devient galeriste.