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Adieu à Raoul Verney

«Pourquoi s'accrocher à une forme lorsqu'on détient la matrice vivante de formes renouvelées à l'infini tout en restant porteuses des valeurs pérennes»… Cette citation résume l’œuvre complète du célèbre architecte libanais Raoul Verney qui s’est éteint en novembre dernier à l’âge de 87 ans. Déco Magazine lui rend hommage et propose un tour d’horizon de ses plus belles réalisations qui ont marqué le paysage architectural du pays.

 

 

Né le 3 juin 1930 à Beyrouth de mère italienne et de père français, Raoul Verney entame sa carrière en 1954 et instaure les principes fondamentaux de sa pensée architecturale: la magnification des masses, le volume, la texture et la lumière. Rapidement considéré comme l’un des chefs de file des architectes libanais, Raoul Verney enseigne dans plusieurs académies de beaux-arts et forme toute une génération d’architectes dans son atelier d’architecture et de recherche. Raoul Verney, «Maître» pour ses disciples, compte à son actif une soixantaine de projets qui englobent le résidentiel, l’hospitalier, le commercial, le scolaire ainsi que des centres de loisirs et des édifices culturels. Trois bâtiments signés par Verney font aujourd’hui partie intégrante du patrimoine architectural moderne du Liban.

 

Un architecte visionnaire

Les années 60 et 70 constituent une période de consolidation pour l’architecture moderne au Liban. Influencés par les œuvres d’Oscar Niemeyer et de Le Corbusier, les architectes libanais diffusent un langage architectural contemporain qui met l’accent sur le béton brut et décoffré, le principe du Modulor, la pensée brutaliste et surtout la relation entre l’urbanisme et l’architecture, élément pivot du modernisme. Imaginé par Raoul Verney, Khalil Khoury et Grégoire Sérof en 1968, le collège Mont La Salle est une des premières bâtisses à concrétiser cette philosophie architectonique. Implanté sur un terrain en pente avec des routes qui séparent les circulations piétonnes des véhicules et conçu comme une série d’unités répétitives, avec des finitions à l’état naturel et des blocs de béton, le collège représente une nouvelle forme de construction qui s’oppose à la  typologie traditionnelle des écoles. En éliminant le corridor classique et en redistribuant l’espace avec un agencement de volumes en grappes épousant naturellement le terrain, l'architecture libanaise est en pleine évolution et ses précurseurs en pleine expérimentation. En 1973, Raoul Verney réalise le centre médico-social (Croix Rouge libanaise) à Jounieh. Dicté en parti par les contraintes du site, le design présente une structure et un jeu de différents éléments volumétriques en béton. Dans une construction compacte qui symbolise par excellence la notion d’insertion et d’interpénétration de l’architecture et de l’urbanisme, Verney réunit un amphithéâtre, un centre social et une clinique.

 

Cette approche architecturale se poursuit avec la chapelle de Faqra. Dessinée comme les églises traditionnelles du Mont-Liban, la chapelle est un bâtiment basé sur un plan carré avec des façades en pierre soutenues par une structure en béton. L'interaction entre les deux matériaux est visible à l'intérieur et renforcée par un axe d'entrée diagonal qui supprime le plan traditionnel en forme de croix. Toit en pente recouvert de gazon, construction cubique, volumes cadencés et répétitifs et architecture qui s’adapte à son paysage urbain ou rural, Raoul Verney a appartenu à un moment crucial de l’architecture où les réformes ont donné naissance à des réalisations modernistes. Ses œuvres sont inscrites désormais dans l’histoire contemporaine de l’architecture libanaise et sa pensée dans les esprits de toute une lignée d’architectes… La pierre et le béton se souviendront toujours.

Karene Safi

 

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