CE SONT SOUVENT LES INTERVENTIONS DE PETITE ÉCHELLE QUI SE PRÊTENT AUX RÉFLEXIONS LES PLUS INSOLITES, SURTOUT LORSQUE L’IMAGINAIRE DE L’ARCHITECTE REGORGE D’IMAGES ET DE SITUATIONS SINGULIÈRES. POUR LES NOUVEAUX LOCAUX DE L’AGENCE DE COMMUNICATION ET DE DESIGN NINETEEN84, KARIM NADER DÉVELOPPE UNE VÉRITABLE INSTALLATION URBAINE, SOUS UN PRÉTEXTE ARCHITECTURAL.
Nous l’aurions deviné d’emblée, ici les références orwelliennes ne manquent pas: du nom de l’agence à la notion de surveillance, concrétisée par une caméra qui filme les passants et un écran qui leur renvoie leur propre portrait, sans compter les images de la publicité annonçant pour 1984 l’arrivée du premier Macintosh, lui-même exposé à l’entrée… Autant d’éléments qui contribuent à transformer le projet en cabinet de curiosités. Mais tout ne tient pas qu’à cela: c’est toute une composition de couches subtilement surimposées qui fait le véritable intérêt de l’intervention. Plutôt qu’une rupture entre public et privé, c’est un jeu de transparences qui détermine un drôle de rapport entre l’intérieur et l’extérieur: une place pour la distance, la séduction et l’apparition du désir. Une large baie vitrée, avec son cadre en fer forgé d’origine, puis un espace interstitiel «muséal» (avec pour seul objet exposé l’ordinateur de 1984), un rideau en mousseline, des profondeurs qui se laissent deviner et la silhouette d’une mezzanine. Espace de travail en journée, lieu de projections plurielles la nuit: Karim Nader offre à l’équipe de Nineteen84 une plateforme pour tout un éventail d’expressions et d’explorations, et aux passants une séquence urbaine insolite, insaisissable. Un projet qui mène une double vie.