Pour le Français Bruno de Caumont, destination le Vietnam, afin d’y produire sa collection de meubles et d’objets en laque, 100% faits main dans la pure tradition et le savoir-faire vietnamiens. Il y a huit ans, le designer s’est installé à la Villa verte, une maison ponctuée de ses créations et de ses envies.
«Je n’ai pas un parcours académique de décorateur d’intérieur», annonce Bruno de Caumont, descendant d’Ange-Jacques Gabriel, l’architecte «royal» auteur du Petit Trianon de Versailles et de la place de la Concorde. Pour lui ce seront plutôt des études en droit international, un créneau bien différent de son monde actuel et qui ne le satisfaisait pas. Il commence par installer un stand d’antiquités XVIIIe, XIXe et XXe siècles aux Puces de Saint-Ouen pour exposer de «vrais meubles, pas des copies», précise-t-il. L’expérience lui plaît et lui donne envie d’aller plus loin dans la décoration. Les appartements à Paris de Caroline et Élie S. qui lui sont confiés, puis celui de Sarah Trad, le confortent dans ce changement de carrière. Grâce à sa rencontre avec Sarah et ses séjours à Kfour, il réalise un meuble LitBanc dont la sonorité dévoile son attachement à notre pays. Il avoue se sentir «profondément méditerranéen». «J’ai été élevé à Aix-en-Provence entouré d’un père français, d’une mère peintre pied-noir et d’un grand-père paternel capitaine de la Légion étrangère, autrefois en poste à Damas.» Ce contexte familial nourrit son attirance pour la Méditerranée.
Après ses «premiers pas» parisiens, il dessine une collection de meubles en laque. Pourquoi la laque? Tout commence par un briquet S.T. Dupont en laque acheté aux puces. Il le redécouvre et comprend «qu’on ne peut pas lutter contre son destin.» Comme d’autres avant lui avaient emprunté depuis des siècles la route de la soie, Bruno de Caumont s’engage, muni de toute sa passion, dans celle de la laque, curieux de défricher un terrain qui lui est inconnu. Il s’embarque pour le Vietnam pour réaliser ses créations en laque, mate, «douce au toucher, délicate et forte» dont il a saisi la profondeur et le mystère. Après plusieurs allers-retours, il s’y installe en 2010.
Une maison de voyageur
En plein Tan Dinh, le 1er arrondissement de Saïgon, dans la rue Vo Thi Sau, le designer a un coup de cœur pour une bâtisse des années 50, construite par un architecte français. Il pose ses bagages et ses marques, décidé à redonner à cette maison son esprit d’origine, «celle d’un Vietnamien qui voyage et rapporte des images.» Un des côtés donne sur une allée privée hêm, qui protège la maison du brouhaha des rues adjacentes. Composée de dix pièces, elle s’étend sur trois étages de 100 m² chacun. La façade verte d’origine donne le ton et le nom, la Villa verte, où le décorateur se laisse aller à sa passion pour la couleur. Au rez-de-chaussée, dont le carrelage noir et blanc est un clin d’œil au motif pied-de-poule de Christian Dior, le porche donne sur un grand espace dans lequel se côtoient un salon et une salle à manger ouverts sur un patio intérieur, où se trouve une cuisine fonctionnelle et moderne. Sur les étagères l’artiste a posé un service bleu de Chine et des paniers du Mékong dénichés dans les marchés locaux.
Un escalier en fer forgé, qui existait initialement dans la maison, mène aux étages. Des losanges, motif typique des années 50, sont reproduits sur les murs, réalisés à la main en peinture. Ce qui séduit dans cet intérieur est une combinaison osée mais réussie de vert, bleu, orange, rose bonbon, mauve. Cette palette de couleurs ainsi que les formes géométriques très présentes confèrent à l’espace une symétrie et un grain de fantaisie. Quelques rares pièces («objets trouvés dans des boutiques d’antiquités de Ho Chi Minh», confie le maître des lieux) cohabitent avec le mobilier et les créations en laque de ses différentes collections, jusqu’aux tapis et au miroir Soleil noir qu’il a conçus lui-même. L’artiste veut redonner vie aux métiers de la main: ferronniers, ébénistes, tisserands et laqueurs l’accompagnent dans son parcours. Bruno de Caumont a apprivoisé ce nouvel environnement et l’Asie, les odeurs fortes «qui ne me font pas peur», comme les réactions parfois différentes, «loin de tout ce qu’on connaît.» Depuis qu’il côtoie des Vietnamiens devenus ses amis et qu’il collabore avec les artisans de Hanoï, son regard a changé. «Ce pays est étonnant. On apprend l’humilité et la sagesse», avoue-t-il. Heureux.
Danièle Henoud