Depuis 2010, année de sa création par Laure d’Hauteville, Beirut Art Fair a considérablement grandi. 3500 curieux et amateurs d’art avaient alors parcouru les allées. En 2018, ils étaient 34 000, dont 9500 à l’ouverture, soit une hausse supérieure à 20% par rapport à 2017. Portée par l’essor mondial de l’intérêt pour l’art contemporain, la dixième édition s’annonce sous les mêmes auspices. Aux côtés de Laure d’Hauteville, la directrice artistique Joanna Abou Sleiman-Chevalier préside un comité de sélection constitué d’Olivia Bourrat, directrice scientifique de l’Agence France-Muséums, Jean-Marc Decrop, expert en art chinois et moyen-oriental contemporain, Tamara Inja Jaber, conseillère artistique, Lyne Sneige, directrice du programme Arts & Culture au Middle East Institute à Washington D.C., et Marie-Ann Yemsi, consultante et curatrice indépendante.
Entre nouveauté et continuité
En 2018, cinquante-trois galeries originaires de vingt-deux pays avaient fait le déplacement. L’ordre de grandeur sera maintenu, mais pour vingt galeries qui feront leur retour, il y en aura trente inédites, un ratio continuité/nouveauté salutaire qui illustre aussi la dynamique du marché. Parmi les arrivants, la Galleria Continua sera la plus internationale, puisque présente en France, en Italie, à Cuba et en Chine. Elle dévoilera un stand afro-cubain avec des artistes de premier plan, comme Moataz Nasr, qui a représenté l’Égypte à la 57e Biennale de Venise. En plus des quinze exposants libanais, l’Europe et les pays arabes se taillent la part du lion. La galerie américaine Twelve Gates Arts sera l’unique représentante du Nouveau Monde.
Des grands noms de la scène artistique libanaise seront exposés, tels que Nabil Nahas, chez Agial Art Gallery. Au-delà, l’accent est mis sur les signatures en vogue dans les foires internationales; ainsi de Joёl Andrianomearisoa, qui a représenté Madagascar à la Biennale de Venise cette année et dont la galerie milanaise Primo Marella Gallery exposera le travail. D’autre part, l’espace Projet invite les galeries à mettre en avant des artistes prometteurs, signe que la direction curatoriale de la foire s’inscrit plus que jamais sur la scène contemporaine.
Des expositions inédites
Comme toujours, des expositions thématiques seront dévoilées au public. Revealing by SGBL illustre le partenariat historique entre la banque et Beirut Art Fair. Les talents émergents seront là aussi le cœur du sujet: dix artistes de la région MENA, parmi 400 candidats, ont été sélectionnés par la commissaire Rachel Dedman. La diversité des médias a été privilégiée: photographies de Hadi Fallahpisheh, vidéos de Ghita Skali ou peinture de Balsam Abo Zour.
Au rang des inédits, trois expositions retiendront l’attention. Unexpected Trove – The Unseen Works of Hussein Madi exhumera de l’oubli quarante-sept toiles, peintes entre 1965 et 1970, par Hussein Madi, suite à son séjour à Rome. Ces paysages, collection de Mazen et Loulia Soueid, sont une exception dans le parcours du peintre vers un style qui allait ensuite largement évoluer vers l’abstraction. A Tribute to Lebanon, tiré de la collection Philippe Jabre, offrira un voyage spatio-temporel dans l’art régional du XVIIIe siècle à nos jours. L’expert et collectionneur Gaby Daher et l’architecte Jean-Louis Mainguy ont respectivement orchestré la sélection et la mise en scène. Enfin, The Sensitive Sea articulera une réflexion autour du thème de la mer à travers un ensemble de vidéos.
Hors les murs
C’est une thématique chère à Beirut Art Fair, que d’investir la ville avec des œuvres exposées à ciel ouvert. Du 17 au 24 septembre, Beirut Art Week offrira un parcours urbain. Le programme VIP conviera les happy few à des événements spécifiques. Cette opération illustre aussi l’engagement de nombreuses institutions culturelles locales, comme le musée Sursock qui organisera une visite de l’exposition Baalbek, Archives of an Eternity. Enfin, un billet commun sera proposé pour Beirut Design Fair, petite sœur de Beirut Art Fair.
En insistant plus que jamais sur un équilibre entre jeune garde et grands noms pour cette édition, Beirut Art Fair ambitionne de dépasser les frontières régionales. Dans un contexte où les artistes libanais et arabes sont de plus en plus reconnus, où le marché de l’art n’est plus celui d’un monopole occidental, Beyrouth «ville-monde», comme le rappelle Joanna Abou Sleiman-Chevalier, a une carte à jouer en tant que hub artistique.
